Expéditeur : 
Clinique Psychiatrique
Les Lilas
73110 Aix-les-Bains

                                                                             à

                                                                                                                ENJELS  Mickaël
                                                                                                               23, rue du Château
                                                                                                                    38260 Morestel.

                            

                                                                                           Le 18 mai 2001, à Aix-les-Bains.

Objet : faire part de décès.

                                                Monsieur Enjels,

 

   J’ai le regret de vous annoncer la mort de votre oncle, Valentin Enjels. Il est décédé il y a de cela trois jours, dans notre hôpital psychiatrique. Il nous a laissé une lettre s’adressant à vous, que je vous envoie ci-jointe. Ses problèmes de santé étaient désolants. Il s’inventait des histoires irréelles et son comportement semblait très nerveux. A la fin, ses troubles mentaux se répétaient fortement, et son expression était mélancolique et terne. La pâleur de son teint effraie encore les infirmières qui s’occupaient de lui. De plus, son caractère était devenu glacial, mais très morne. Il dormait les trois quarts de la journée, et pour manger, il fallait lui donner sa nourriture à la petite cuillère, tellement ses membres étaient maigres. Cette année passée en internement a sûrement été la pire. Au début de l’année, une terrible maladie s’est abattue sur lui, sans qu’on sache comment. De fortes tensions s’ajoutaient à sa maladie (le cancer de la peau). Le 15 mai, il a fallu l’emmener d’urgence à l’hôpital St-Laurent, car il a eu une attaque cardiaque. Malheureusement, celle-ci l’a emporté, une nuit d’orage.

   Apparemment, il n’avait pas voulu que les autres membres de sa famille soient au courant de son décès. Dans sa lettre, il disait que seul vous, deviez être au courant, qu’il vous aimait beaucoup et que vous étiez son seul héritier.

   A cause de sa folie, il s’était inventé des histoires fantastiques, avec des fantômes et plein d’autres choses encore. Vous pensez bien que nous avons essayé de le raisonner, mais il n’y avait rien à faire. Il répétait sans cesse : « Maudit soit mon frère, maudit soit le jour de ma naissance ». Mais, d’après lui, ils l’étaient déjà. Et quand on lui demandait ce qu’il voulait dire, il nous répondait que c’était trop compliqué et qu’il voulait à tout prix sortir, car sa vie en dépendait.

    Il faisait peine à voir, ce pauvre homme, si pâle, si crispé et froid. On aurait pu croire qu’il n’était plus de notre monde, peut-être même un mort-vivant (si ces créatures existaient). Oui, c’était navrant de voir un si honnête homme dans cet état de déterré.

   Sa folie l’a emporté, j’en suis extrêmement  désolé pour vous.

   Mes sincères salutations,

                                                                                       LEGROS Alfred,
                                                                                  Médecin psychiatrique.

 

 

 

Je ne me souviens pas très bien des deux ans avant la naissance de mon frère ; mais ma mère m’a souvent dit que tout le monde était autour de moi en admiration. Il n’y a qu’un moment qui me revienne à la mémoire…

C’était deux jours avant la naissance de mon cher frère, Jérôme, le 12 novembre 1948. Ma mère a été obligée de quitter la maison en hâte, cette charmante demeure où il y avait au bord des fenêtres tant de fleurs. Et en été, particulièrement, elles jaillissaient partout dans notre jardin. Il y en avait de toutes les couleurs comme celles d’un arc-en-ciel, et de plus elles nous offraient leurs doux parfums. Cette mère-là, il n’en a pas existé deux, tellement acharnée à s’occuper de la maison, de sa famille… Très méticuleuse, elle a même été récompensée par un honorable prix qu’offrait le village au plus beau jardin de la commune. Ce jour-là, ce 12 novembre, j’ai été bousculé, ignoré par toute ma famille notamment mon père qui était très stressé, m’a-t-il dit plus tard.
« Tu vas avoir un petit frère, mon chéri, alors la vie ne sera plus pareille.»

Je ne me suis pas douté que ce qu’il m’avait annoncé, allait se réaliser. Hélas, … Le 14 novembre 1948, mon frère naquit, il avait l’air joyeux, ce qui semblait étrange pour les sages femmes car habituellement lorsqu’un petit être naît, il pleure. Mais, il n’était pas normal, on aurait dit qu’il avait en lui une âme de fer ; celle d’un démon. Toute mon enfant n’a été que malheurs et souffrances, pour moi, Valentin Enjels. Non seulement mon frère a été un petit  génie, et a donc sauté des classes, mais en plus il a toujours été le préféré de mes professeurs. Je ne parle pas de l’école maternelle et primaire, j’ai été délaissé de tous, un petit cancre à qui personne n’osait parler…

Jusqu’à ce que j’entre au collège. Dès lors, je me suis dit que plus jamais, je ne serais perdant. Très vite, j’ai appris à me faire quelques amis, à être plus attentif en cours, donc à élever mes piteuses notes. Au lycée, je suis sorti avec ma première petite copine : Laura, son visage était couronné de cheveux dorés, comme des épis de blé. Cette jeune fille a été une déesse, elle m’a compris, m’a soutenu. Et quand Jérôme a voulu en prendre possession, comme bien d’autres qu’il a ensuite délaissées, Laura, a eu du bon sens et lui a rappelé que l’amitié, et l’amour ne s’achètent pas. Certaines mauvaises langues m’ont appris plus tard, ce qu’elle avait, soi-disant, répliqué à Hadès, mon frère démoniaque.
« Valentin, est pour moi, mon soleil, ma joie de vivre. Et nul ne  pourra me l’enlever. »

Et pourtant…

Nous avons dû nous séparer en octobre 1963, je suis rentré dans une grande école, tandis qu’elle a déménagé, à l’Île Maurice, où elle devait avoir une place sûre et du travail, partant là-bas avec un mystérieux cousin…Elle m’a envoyé, tant de cartes postales, où l’on voyait cette immense étendue d’eau, et ces  fleurs colorées. Oui, ces fleurs qui m’ont rappelé le souvenir de ma maison, avant Jérôme dont je n’avais pas reçu de nouvelles depuis bien« des lustres ». De septembre 1969 à août 1970, j’aurais dû faire  mon service militaire. Seulement, j’ai dissimulé ma véritable santé, je me suis fait passer pour fou. En ressassant toujours la même histoire incompréhensible. Ce n’était pas très difficile, avec tout le mal que j’avais vécu et sachant Laura loin de moi avec son soi-disant cousin. J’ai récolté ce que j’avais semé, les autorités ont déclaré qu’elles ne pouvaient accepter quelqu’un qui gesticulait sans cesse, qui marchait sur les mains, tel un  acrobate, qui pleurait encore la perte de sa mère.

Pendant un an, j’ai voyagé, je suis allé visiter pleins de pays. Je suis même allé à l’Île Maurice, où je pensais retrouver ma chère et tendre, mais je n’y ai trouvé que le doux parfum des fleurs. C’est au cours de cette année que j’ai appris beaucoup d’histoires, d’anecdotes et de choses sur la vie. Tout cela m’a fait bien réfléchir à ma propre existence. Je me suis dit, qu’à dater de ce jour, j’aimerais mon prochain et même ceux qui me font des coups bas, y compris mon malheureux frère. Grâce à mon diplôme d’ingénieur, obtenu en juillet 1969, j’ai pu décrocher mon emploi. Un emploi, qui était l’Olympe, je me sentais « Zeus ».

Il y avait des fourmis, ces ouvriers qui travaillent sans jamais s’arrêter. Moi, j’ai eu de la chance. Je travaillais dans un bureau tapissé d’une peinture aquarelle, couleur ciel de printemps équipé d’une belle table de travail et une petite salle où je pouvais exercer « mes talents » ! Sur mon bureau trônait l’ange de ma vie ; une photo de Laura où elle avait un si beau sourire… Son teint frais était éclairé, ensoleillé et joyeux aussi, tel celui d’une petite fille devant un paradis de jouets.

Puis le 6 juillet 1978, le mariage de mon frère eut lieu. Je me rendis quand même à ce mariage, en espérant des réconciliations. Seulement voilà…je ne savais pas ce qui m’attendait. J’ai cru mourir d’une crise cardiaque, comment aurais-je pu me douter qu’un ange et un démon puissent trouver un terrain d’entente ! Impossible ! Je sus dès lors que plus rien n’était impossible. C’était donc, lui, mon propre frère le faux cousin à l’Île Maurice, la raison de l’arrêt des douces lettres de Laura ! J’étais écœuré, énervé, mort de rage… Et comment avaient-ils eu l’audace de m’inviter ? Je ne comprenais plus rien, j’avais été bluffé sur toute la ligne et par tout le monde. Je m’en suis voulu longtemps d’être aussi naïf. Et puis, je la voyais avancer, souriante vers Jérôme. Il y avait un léger coup de vent, et un grand soleil qui brûlait mon cœur. J’étais damné, maudit, pourquoi étais-je venu au monde ? Pour souffrir.

Je suis resté jusqu’à ce qu’ils prononcent le mot magique lorsqu’on n’est pas Valentin Enjels.

Le 22 janvier 1980, je revis mon frère et Laura, pour la naissance de leur fils Mikaël. Les circonstances avaient provoqué une véritable haine entre Jérôme et moi. Mikaël me ressemble énormément, c’est mon portrait sans mes horribles défauts. Malheureusement je n’avais pas pu le voir souvent à cause des tensions entre ses parents et moi.

Un an après je déménageai, à l’autre bout du pays, pour me séparer des vieux souvenirs et recommencer une nouvelle vie.

 

Ce 9 février 1985, je m’en souviendrai toute ma malheureuse vie. Un jour noir, sombre, orageux, terrifiant… Il restera gravé dans ma mémoire de manière indélébile, jusqu’à la dernière minute. Où je pourrai enfin me reposer, me délivrer de cette invraisemblable vie, lorsque mes atroces souffrances cesseront enfin.

La journée avait commencé normalement, c’est lorsque je reçus une lettre anonyme à mon bureau, déposée par la secrétaire, anormalement énervée, et qui n’arrêtait pas de lancer des jurons. Quoi qu’il en soit, cette fameuse lettre m’avait intrigué mais je l’avais laissée de côté, à cause de mon surplus de travail ce jour-là. Fatigué, j’avais pris des médicaments que m’avait donnés  ma secrétaire avec un petit sourire narquois en m’assurant que je serais après « remonté à bloc ». Comme par magie, la mystérieuse lettre se déplaça vers moi et s’ouvrit. Au début, je fus surpris mais plus tard je m’aperçus que j’avais laissé ma fenêtre ouverte, et qu’une légère odeur de rose avait été transportée par le vent, qui avait fait bouger le « fichu » morceau de papier. Je me décidai à le regarder. Il était écrit à l’encre de chine, en Gothique:

Pure, votre âme est,
Sûr, nous reviendrons dans un court délai,
Alors, méfiez-vous de tout,
Car nous sommes partout.

Ma première impression fut que c’était une mauvaise blague des sales « mioches » du quartier. Mais plus j’y réfléchissais, plus mes idées se brouillaient. Le tic-tac de ma pendule résonnait comme un écho dans ma tête. De gros nuages se rapprochaient, dans le ciel sombre, effrayant, en quelques minutes tout était devenu glacial, pétrifiant… Au début, j’étais persuadé que les médicaments que j’avais pris avaient fait trop d’effet, où alors que j’étais dans un mauvais rêve, un cauchemar… sans fin précise.

C’était logique ; quand tout à coup, l’orage éclata, il me semblait voir des éclairs jaillir partout dans le bureau. Puis, comme un boulet de canon, le bombardement m’abasourdit, je tombai à la renverse. Lorsque je me réveillai, les fusibles avaient sauté, il faisait noir dans la pièce. En titubant, je sortis de mon bureau, il n’y avait plus personne, tous mes collègues et les autres étaient partis. Quand je me retournai, je vis une ombre, un spectre ou plutôt un… un fantôme. Je crus mourir sur le coup. Je crois bien que ce jour-là, j’ai lancé le cri le plus strident que personne n’a jamais poussé.

Le fantôme m’indiquait de sa main translucide, mon bureau en flamme. Je n’eus le temps d’apercevoir qu’une chose, l’éternelle photo de Laura, qui petit à petit se consumait tout comme mes sentiments à son égard. Quand je repris conscience, le feu se propageait et cette affreuse chaleur me fit suffoquer ! L’escalier s’écroulait derrière moi. J’y échappai tout juste. Une fois devant la porte d’entrée, la poignée était bloquée. Paniquant, une fois de plus, je faillis tomber dans les flammes torrides. Mon nouvel ami, le fantôme, réapparut et d’un seul coup, il m’ouvrit la grosse porte lourde, que je franchissais chaque matin. Après l’avoir remercié en vitesse, je m’éclipsai dehors. Je courus en hâte chez moi, dans mon appartement trois pièces. Après avoir digéré mes aventures de la journée et avoir appelé les pompiers, je pris un peu d’argent et sortis pour prendre l’air. Je traversai le parc, voyant une camionnette d’un vendeur de glaces, je décidai d’en acheter une. Je n’avais pas vu le vendeur, de dos, en commandant la glace. Lorsque je me retournai pour la prendre, j’aperçus la chose la plus hideuse que jamais personne n’ait vu… Un squelette moisi, tenant dans une main une hache dégoulinante de sang. En voulant partir, je trébuchai sur le vrai vendeur, un bonhomme que je connaissais bien. Écroulé par terre, il était allongé dans une mare de sang bordeaux, égorgé, j’étais dégoûté…

Plus tard, j’entendis la sirène des pompiers, ils avaient réussi à éteindre le feu. Il n’y avait aucune victime. Comme il n’était pas très tard, je décidai de faire un tour au supermarché, tout en décidant de ne jamais raconter cette histoire, sous peine qu’on me prenne pour plus fou que je ne le suis déjà. Une fois rentré chez moi, où les phénomènes surnaturels n’avaient pas encore frappé, je me sentais en sécurité, je décidai donc de regarder un film, tout en tremblant encore de mes dernières émotions. Au moment où j’allumais la télé, je tombai sur un film d’horreur où un sorcier, vêtu d’une grande robe noire et pleine de « gri-gri » avait un regard malveillant, sournois, étrange. Soudain, il apparut devant mes yeux paralysés par l’angoisse et la peur. Ils avaient réussi à venir ici.
« Ils ? Mais qui, ils ? »,  pensai-je.

Des sueurs froides m’envahirent, la pâleur de mon visage, qui se reflétait dans un miroir invisible, me fit sursauter. Les portes claquaient, le vent se mit à se déchaîner. Le sorcier, devant moi, lançait des incantations de plus en plus fortes, un tourbillon de charbon s’éleva au-dessus de nos têtes, puis le néant total. Je marchais sur le sol transparent d’un monde irrationnel et inconnu. Haletant, le souffle coupé, je vis Laura, habillée en noir et en rouge, telle une diablesse, ses ongles noirs étaient crochus et extrêmement longs, tenant d’une main une rose jaune, signifiant l’infidélité et de l’autre un bouquet de pavots, pour la mort…

Elle était toujours là, et elle restera toujours là, au fond de ma mémoire. Mais en tant qu’une jeune fille douce et charmante…

C’est seulement après quelques semaines que je réalisai vraiment ce qui s’était passé. Et aussi, je me remettais en question. Ce moment qui semblait éternel, se renouvelait dans ma tête. Ce même moment où il était question pour moi de vie ou de mort. Laura s’avança vers moi, m’étrangla et me planta sa lime à ongles dans mon poignet encore tout tremblant. Et me demanda :
« Est-ce que tu sais où est caché le talisman d’émeraude ?
- Non, lui répondis-je, qu’est-ce que c’est ?
- Quelque chose, me rétorqua-t-elle, d’un ton sévère, et puis, de toute façon tu le sauras bientôt. Mais tu as intérêt de me le donner dès que tu sauras où il est caché, attention je te surveille. »

A cet instant, je me décidai à entreprendre des recherches approfondies sur ce talisman. Je découvris deux jours après que ce fameux bijou était en ma possession, un héritage de ma grand-mère. Il avait le pouvoir de faire exploser un emballage très solide comme du double vitrage ou du métal, il donnait aussi la force suprême.

Ma grand-mère me l’avait laissé dans un coffre à la banque, où je pouvais aller le chercher quand je voulais. Normalement, mes parents auraient dû m’avertir, pourquoi ne l’avaient-ils pas fait ? Je pensais savoir pourquoi elle, Laura, le voulait et je décidai donc de l’avouer à mon frère Jérôme.

Seulement, il n’a pas réagi de la même façon que moi, et m’a assuré :
«  Mais voyons, tu es devenu fou, pourquoi voudrais-tu donner ce précieux talisman à cette personne qui exerce une pression sur toi, et qui est-ce déjà ?
- Une personne que je croyais bien connaître, mais hélas, je suis trompé, me lamentai-je, c’est Laura !
- Laura !?!, s’exclama Jérôme, mais enfin que vient-elle faire dans cette histoire ?
- C’est trop compliqué et en aucun cas je peux aller voir la police et porter plainte pour menace…
- Je comprends, tu la connais bien, reprit-il en se calmant. Il n’y a pas moyen de t’expliquer avec elle ? Je ne vois pas la raison pour laquelle Laura voudrait ce fichu bijou !»

Après un long silence il continua :
«  En fait, quand j’y repense, je comprends tout, et je vois clair dans ton manège maintenant, s’énerva-t-il, tu n’es qu’un menteur !
- Quoi… ? Que veux-tu dire ?, tu es tombé sur la tête ! Tu ne crois tout de même pas que je veux la « récupérer » ! poursuivis-je en voyant ce qu’il voulait insinuer.
- Eh bien, peut-être que si, tu n’as jamais supporté le fait qu’elle te quitte pour moi ! s’écria Jérôme.
- Stop ! hurlai-je, et revenons à la raison et au pourquoi je t’ai invité. Je pense éclaircir son mystère, en faisant des recherches sur ta femme, peut-être est-elle espionne…
- Je sais ce que tu vas me dire, mais peu importe !
- Quoi ? Que veux-tu faire ? C’est plus que fou que tu es, arrête de lire des histoires de sciences-fictions, reprit-il, on est dans la réalité !"

Je me décidai donc, malgré les mauvaises interventions de mon frère, à mener ma petite enquête. Jérôme me l’interdisait, voulant à tout prix protéger sa bien-aimée, mais pourquoi ? Peut-être étaient-ils de mèche, dans ce cas, j’aurais fait une erreur en allant voir Jérôme !

Quatre jours plus tard, je me rendis chez mon frère, pour découvrir des indices sur mon ex-petite copine, et son diable de mari. Je la surpris dans la cuisine préparant une « potion », qu’elle voulait me donner dans du thé. Je l’ai su, en regardant sur une petite feuille d’un bloc-note, où elle l’avait notée. Heureusement, que je n’avais pas assez soif pour prendre du thé.

Étant en débardeur, Laura avait les épaules à l’air, c’est ainsi que je découvris son nouveau tatouage. Une tête de Dragon enflammée très voyante. En se rendant compte que je l’avais remarqué, elle enfila en toute hâte une chemise, en me disant qu’il s’agissait d’un tatouage éphémère. Mais elle mentait, car j’avais déjà vu ce modèle, à la boutique d’en bas…

Après être allé à la bibliothèque, où je m’aperçus, en lisant la légende, que j’avais déjà vu ce dragon lors de mon long voyage, je me promenais dans le parc, quand mon frère fit une apparition soudaine, d’un air dévastateur. Quand il s’avança vers moi, je pris peur et trébuchai sur une de ces ordures que les jeunes oublient volontairement de mettre à la poubelle. A terre, avec la cheville tordue, je ne pouvais pas me débattre, quand Jérôme arriva sur moi en brandissant un petit poignard. Tout d’abord, j’aperçus mon talisman, qui procure la force divine, autour de son cou. Il me l’avait volé, ce malfrat, puis, je vis aussi le même tatouage que Laura. Il me lança méchamment :
« Tu vois, mon ami, nous avons été plus forts que toi, le monde n’est pas un paradis, mon pauvre « chou », je suis désolé pour toi, ironisa Jérôme, depuis ta naissance tu as été maudit et bluffé, sauf peut-être par ta grand-mère, mais la pauvre est morte.
-De quoi veux-tu parler ? Voleur !, lui lançai-je.
-Tu le sais, ou tu vas le savoir… Tu as un protecteur, les anges, dont ta grand-mère, t’ont offert à ta naissance ce talisman, continua-t-il en le montrant, ton héritage est maintenant en ma possession. Nous, les « forces » du mal, sommes ici, pour détruire la terre, et la transformer en une planète encore plus sanguinaire, m’expliqua Jérôme.
-Vous n’êtes que des piteux diables à trois sous et ne me touche plus, vaurien, intervins-je.
-Quoi ? Mais tu te prends pour qui ? Je t’avais prévenu de pas te mêler de cette affaire ! Avec la force divine et le pouvoir du Dragon, demain sera un jour meilleur, ou plutôt le contraire ! »  ricana-t-il, croyant sa blague drôle.

Le son de son rire résonnait encore dans ma tête. Deux minutes d’inattention et j’étais mort, littéralement mort. J’avais compris leur mariage, je lançais du plus fort que je pouvais le mot « menteur » avec une tonne de jurons, mais sa main m’étranglait de plus en plus fort et je n’arrivais plus à respirer.

Tout à coup les autres arrivaient, Laura, mon père, ma mère, et tous ceux que je croyais mes amis…

Ils arrivaient vers moi avec l’air agressif, un sentiment de haine se reflétait sur leur visage terne. Le temps se gâtait, les éclairs arrivaient avec le tonnerre, comme le premier jour où tout avait commencé.

La main de « mon frère », était toujours autour de mon cou. Puis tout devint noir et je ne comprenais plus rien. J’avais été assommé par quelqu’un de mon ex-famille. Je l’ai su un peu tard par des infirmières. Elles étaient là, devant mon lit d’hôpital, à se demander comment j’étais devenu fou ? « Fou ? me disais-je, mais ce sont eux qui le sont. Et d’abord, pourquoi suis-je ici ? » J’étais fatigué de ces va et vient incessants des infirmières toute la journée. Elles prétendaient que c’était pour me surveiller, et pour que je ne fasse pas de crise d’hystérie.

L’hôpital était grand, et je ne sortais que très rarement  de ma chambre. Celle-ci était drapée de blanc, je me sentais enfermé en cage, et j’étais condamné à le rester. C’était à cause de mon satané frère que j’étais ici, dans cet hôpital  psychiatrique. Je passais mon temps à ressasser cette invraisemblable histoire, qui s’était avéré vraie et non le fruit de mon imagination comme on aurait pu le prétendre. Si seulement c’était arrivé à quelqu’un d’autre. Sur ce point mon frère avait raison, j’étais maudit, maudit par qui ou quoi ? Le diable en personne ou peut-être que non. Je ne le savais pas et je ne le saurais peut-être jamais…

Je ne m’étais jamais vraiment intéressé au surnaturel. Étant ado, j’étais plutôt intéressé par Laura, les études et quelques sports ridicules pour un garçon de 16-17 ans.

J’étais trahi, pendant toute ma malheureuse vie, encore aujourd’hui avec les infirmières qui me prennent pour un enfant en bas âge. On dirait que pour elles nous sommes, nous

les internés, soit des fous à lier, dont on n’ose pas s’approcher, soit des adultes redevenus « gaga ». Et je n’étais ni un bébé, ni une bête dangereuse pour la société. Alors que faisais-je ici ? Cette question trottait dans ma tête du soir au matin. De toute façon, je n’avais rien de mieux à faire, alors…

Tous les jours, j’entendais des hurlements, des coups et toutes sortes d’autres choses, à vous faire vraiment devenir fou. Moi, j’étais là, dans ce petit lit blanc, à rêvasser toute la journée. C’était là ma folie, d’après les médecins, je vivais dans mes rêves et c’était dangereux, surtout qu’apparemment je m’imaginais trop de choses. Qui aurait pu deviner que moi, Valentin Enjels, je serais un jour ici, à ce moment précis. Franchement, ceci aussi était invraisemblable ! Dans tout ce malheur, j’avais quand même un peu de chance. Il y avait une infirmière qui se prénommait Élodie, qui s’occupait bien de moi. Elle était assez jeune, jolie et très gentille avec moi. Ses cheveux blonds relevés lui donnaient un peu l’air strict, mais son beau sourire gommait ce faux air taciturne. Par rapport aux autres infirmières, c’était la plus attentionnée et directe aussi. Dans les couloirs de l’hôpital, tout était lugubre et effrayant, des lumières vertes miroitaient dans les ascenseurs, et une encore plus étrange dans un laboratoire. C’était le lieu où, un patient m’avait dit qu'ils faisaient des tests, et où nous étions leurs cobayes. Comme c’était un fou, je ne m’étais pas trop inquiété, mais j’aurais peut-être dû. Car après tout ce qui m’étais arrivé, je n’étais plus sûr de rien… ce fut atroce d’être enfermé de la sorte, sans jamais pouvoir prendre une bonne dose d’air frais. Sans pouvoir aller dehors, pour moi qui aimais la nature, c’était atroce, impossible à vivre. Et les fleurs, je ne pouvais plus, ni les voir, ni  respirer leur doux parfum. Il n’y a qu’une seule fois, durant mon internement où j’ai pu respirer une fleur. Mais celle-ci, j’aurais préféré ne pas la revoir, c’était mon frère qui me l’avait envoyée. Et cette maudite fleur était un pavot, la fleur de la mort. Elle était d’un violet lumineux et diabolique et son parfum embaumait mes narines d’une fraîcheur «satanique». Ce présent fut pour mes 50 ans. Cela faisait déjà 9 ans que j’étais dans cette prison. Quand je vis cette fleur, je crus avoir une crise cardiaque, et il me semblait que le monde continuait à s’écrouler sous mes yeux. J’aurais voulu finir mes jours heureux et en bonne santé, auprès d’une femme, Laura de préférence, si celle-ci n’avait pas été le mal en personne. C’est comme ça que j’imaginais ma fin, et non pas dans cet asile d’aliénés…

Le temps passe, et il me semble que ma vie est une expérience gâchée. Et que ma venue dans ce monde n’est pas méritée. Finalement, je serai content de quitter cette Terre un jour ou l’autre. Mais je regrette une seule chose, c’est de ne pas avoir revu, mon neveu, Mikaël  qui n’a pas hérité, heureusement, des gènes de ses parents. Oui, il n’y a que lui qui me manquera dans un autre monde…

Sabrina D

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