Dubois
Philippe
à
Valère Jean
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Histoire de ma vie Aujourd’hui, j’ai décidé de ressortir d’anciennes photos de mon enfance. Je les sors de la table de nuit en formica blanc où on m’a donné l’autorisation de mettre des objets personnels. Voici le jour de ma naissance, le plus beau jour de ma vie, le 3 mars 1946. Deux ans plus tard, le 28 novembre 1948, mon frère Marc me rejoignit. J’allais donc sur mes 4 ans, quand le jour de ma rentrée en maternelle arriva, ce jour là, j’avais peur, mon frère, lui, resta avec ma mère. Ma mère était une femme douce, aimée de tout le monde, mon père était mort à la guerre, ma mère disait qu’il était beau et fort, j’aurais aimé mieux le connaître … L’école me plaisait et j’avais hâte de rentrer en primaire. Puis ce jour arriva en septembre 1951. Comme tous les garçons de mon âge, j’avais une chérie, même plusieurs ! ! ! En septembre 1956, ma rentrée au collège, je m’en souviendrai toujours, j’allais avoir 11 ans, et mon frère 8 ans, ma mère en avait assez car moi et Marc ne nous entendions pas. Le collège a beaucoup compté pour moi, car c’était là que j’eus ma première petite amie. En juin 1963, j’obtins mon bac d’ingénieur et tout le monde était fier de moi. En octobre 1963, je partis dans une grande ville pour faire partie d’une grande école, nous n’avions pas beaucoup d’argent, alors pour payer mes études, ma mère vendit tout ce que nous possédions, et mon frère m’en voulait énormément. Puis en juillet 1969, j’eus mon diplôme. Malheureusement pour moi, de septembre 1969 jusqu’en août 1970, je partis au service militaire. Mais en janvier 1971, je trouvai mon premier travail, ma vie d’adulte commençait enfin ! Jusqu’au mariage de mon frère le 6 juillet 1978, je ne l’avais pas revu. Deux ans plus tard, il était devenu papa d’un petit Jean et en était très content. Ah c’était le bon vieux temps ! ! ! Le 9 février 1985, je décidai de changer d’air, j’allai donc faire un tour sur le marché, là je vis un stand étrange, un homme, accroupi à terre, présentait des choses bizarres, il disait que ces choses pouvaient nous changer la vie ou en faire un enfer ou nous offrir notre chance. Je restai sceptique, mais voulus essayer. Je n’y croyais pas trop, donc je n’avais rien à perdre … Plusieurs objets étaient disposés sur un tapis, c’étaient de petites sculptures, comme des petits grigris africains. L’homme me prévint de faire attention, et me dit que si j’avais un problème, je pourrais revenir le voir. Je repartis donc chez moi, et là je me sentais bizarre. Ma tête tournait, je me mis à trembler, je ne pus expliquer ce qui m’arrivait, mais tout ce que je sais, c’est que j’aurais mieux fait de rester chez moi… La nuit suivante, je n’arrivais pas à m’endormir, je tournais, virais sans trouver ma place, je me levai alors pour boire un verre d’eau à la cuisine. C’est alors que j’entendis quelqu’un me parler. Je me mis à frissonner. Je m’approchai de la sculpture et vis ses yeux s’éclairer d’un rouge vif, et elle me disait «Éric, Éric, aide-moi ! ! ! ». Bien sûr, je ne crus pas ce que j’étais en train de voir. Je fermai les yeux et quand je les rouvris, tout était redevenu normal. J’en conclus que c’était le fruit de mon imagination et de la fatigue, j’allai donc me recoucher. Mais toute la nuit cette «chose » me parla. Le lendemain, je décidai donc d’aller voir l’homme du marché. Il me raconta que des âmes de femmes, sous l’emprise d’un cruel sorcier, se trouvaient coincées dans ces sculptures, jusqu’au jour où leurs propriétaires décidèrent de s’en séparer et qu’elles se mirent à parler. « Rien ne peut les délivrer, et si jamais vous essayez de vous en séparer, vous jouerez votre vie, il vous faut apprendre à vivre avec » me dit-il, menaçant. Je m’en allai, ma tête était tout embrouillée, j’avais du mal à réaliser ce qui m’arrivait. Je rentrai donc chez moi, mais à ma grande surprise la «chose » avait disparu, je retournai vers l’homme, mais il s’était évaporé. Que m’arrivait-il ? Je rentrai une nouvelle fois chez moi. 3 jours plus tard, je n’avais toujours pas de nouvelles de l’homme. J’en reste encore perplexe, et me demande si je ne suis pas devenu fou à ce moment-là. Ce matin-là, en me levant, je pris une décision qui changea ma vie : je voulus parler de cette histoire à mon psychiatre. Je m’habillai, me rasai et appelai sa secrétaire
pour prendre rendez-vous, mais ensuite, je décidai de recontacter mon
frère pour lui en
parler. Et cela dura une heure au moins, je lui racontai donc
toute l’histoire et lui avouai la décision que j’avais prise, d’où
sa réaction : J’avais donc pris rendez-vous l’après-midi à 13h30. Je me dépêchai de déjeuner, et partis pour mon rendez-vous. Arrivé là-bas, j’entrai dans son bureau, et lui racontai toute l’histoire. Trois quarts d’heure plus tard, je sortis, le docteur m’avait dit qu’il me recontacterait pour me dire la solution qu’il avait trouvée. Deux jours plus tard, il me rappela et me dit qu’il voulait tout de suite me voir pour me faire visiter un endroit. J’acceptai. Arrivé sur les lieux, on me fit visiter un gigantesque bâtiment. L’intérieur était blanc comme dans les hôpitaux, les infirmières et les docteurs portaient des blouses blanches, les salles de détente où on pouvait écouter la radio, regarder la télé ou jouer aux échecs étaient pleines, mais beaucoup de personnes internées ne faisaient rien, elles étaient assises là, dans des fauteuils ou sur des chaises à regarder dehors ou dans le vide, elles ne bougeaient pas. On m’expliqua que parfois, on était obligé de droguer certains patients pour les calmer, mais que je n’avais pas à m’inquiéter, car c’étaient la plupart du temps des gens faisant des crises et devenant incontrôlables. Au bout d’une heure de visite guidée, on me montra
enfin ma chambre, je la partagerais avec un homme : Cette chambre était assez simple, les murs étaient jaune pâle. Mon lit se trouvait à côté de la fenêtre qui donnait sur le parc. Le lit d’Harry, l’homme qui partageait sa chambre avec moi, se trouvait près de la porte des toilettes. Autour du lit, sur les murs, étaient accrochés de magnifiques dessins et des portraits, tous signés d’un «h ». En me tournant vers Harry qui était assis dans un fauteuil, je vis qu’il gribouillait quelque chose, je m’approchai pour voir, et me vis, là, sur sa feuille, il m’avait dessiné, je me sentis alors accepté par cet homme que je connaissais à peine… Je repose mes photos d’enfance dans le tiroir de la table de nuit en formica blanc… … Cela fait 16 ans que je suis enfermé, et les journées me paraissent toujours aussi longues, je ne peux pas parler à Harry car j’ai l’impression qu’il ne m’écoute pas, l’expression de son visage est vide et si … triste. J’ai pitié de lui. Souvent, la nuit, après l’extinction des lumières et la fermeture de notre chambre à clé, j’entends Harry pleurer… Toutes les semaines, je vais voir Philippe, mon psychiatre, c’est un homme très sain d’esprit. Avec lui, je peux parler de tout et de rien, de la pluie et du beau temps. Un jour il m’a dit que j’étais presque guéri et que j’allais bientôt sortir. Mais au fond de moi, je sais que je ne suis pas guéri et qu’un être complètement fou, attend son heure tapi au fond de moi pour sortir …
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Émilie L