Dossier DESCHAMPS ALEX
traité par Laetitia
D
Moi,
Alex, je naquis le 3 mars
1946 sous le regard émerveillé de Yves et Paulette, mes parents.
J'étais un beau bébé nanti de magnifiques yeux bleus comme ceux de
papa et maman et de petites mains fines. Les cheveux blonds de ma
mère lui tombaient joliment sur les épaules. Mon père avec ses
beaux cheveux noirs, était un homme fort. Yves était agriculteur et
Paulette travaillait dans une usine, près de notre maison. Je vécus
une enfance heureuse, sauf quand mon frère Yann, est né le 14
novembre 1948. Lui, était quand même moins beau que moi, je pense,
avec ses yeux marron. En septembre 1949, je rentrai à l'école
maternelle, content d'être enfin séparé de Yann. Ma scolarisation
se passa bien. A la rentrée 1951, je suis allé à l'école primaire
où je m'étais fait une copine, Yasmina. Nous restions toujours
ensemble, on avait les mêmes goûts. J'aimais le basket, la
télévision, les chocos à la fraise et elle aussi. J’adorais la
cour de récréation de l'école, avec ses fleurs, ses jeux. Tous mes souvenirs de
primaires sont rassemblés dans cette cour. Chez moi, tout se
déroulait bien sauf avec mon frère, ce petit nul. Le dimanche, il y
avait souvent des repas de famille avec nos grands-parents, Maurice et
Madeleine. J’adorais papy et mamy, leurs visages étaient surmontés
de magnifiques cheveux blancs et ils me donnaient de beaux cadeaux.
Quand j'allais chez eux, pendant les vacances, c'était le bon temps.
J'adorais leur maison avec les volets blancs, la petite balançoire,
le beau jardin, c'était magnifique. En 1956, pour ma rentrée au
collège, papa et maman m'avaient acheté un magnifique sac à dos.
J'étais quand même triste car Yasmina avait dû déménager et je ne
l'ai plus jamais revue. Au collège, j'avais des copains : Jacques,
Christophe et Julien. En 5e, je fis la connaissance d'une superbe
fille, Coralie, avec ses adorables yeux verts, mais elle ne voulait
pas de moi. Je réussis cependant mes années collèges et rentrai au
lycée, en 1960. J'étais devenu un jeune homme très grand avec de
beaux cheveux blonds comme ceux de ma mère. Après avoir réussi mon
bac S en juin 1963, je rentrai dans une grande école à Grenoble en
octobre 1963. J’eus mon diplôme d’ingénieur en juillet 1969. J’allai
au service militaire avec mon ami Gaston, que je m’étais fait au
lycée, de septembre 1969 à août 1970. Quand je suis revenu, mon
frère avait vingt-deux ans et faisait ses études à Lyon. Nos
relations étaient toujours tendues. En janvier 1971, je fus employé
dans une grande industrie en tant qu’ingénieur de direction. Mes
parents étaient très fiers de moi mais Yann était jaloux. Mon
frère ne me parlait jamais de ses petites amies. Mais il nous
annonça, à mes parents et moi, qu’il allait se marier, le 6
juillet 1978, avec Morgane, une belle fille brune aux yeux noisette.
Il l’avait rencontrée à Lyon. Deux ans après, le 22 janvier 1980,
Jeremy, leur fils, naquit et j’en fus le parrain.
C’était
un beau petit bébé, avec les mêmes yeux noisette que sa maman.
Quand je le vis, je demeurai interdit devant cette beauté. En janvier
1985, je m’achetai un appartement. J’en étais très content.
Le
9 février 1985, en me levant, j’entendis un grand bruit provenant
de la cuisine. J’y allai et découvris la pièce sens dessus
dessous. Les assiettes étaient cassées sur le sol, les placards
démontés. J’étais cloué au sol, terrifié par cette vue dans ma
maison. Je sentais quelque chose me frôler, mais je ne voyais rien.
Je me dépêchai de tout ranger, car, le soir, je faisais une fête
chez moi. A 9h, j’allai vite au travail en ne parlant de cet
événement à personne. Je passai une mauvaise journée car je me
demandais ce que j’allais voir en rentrant chez moi. A 17h, en
arrivant dans mon appartement, la « chose » était
toujours là. Elle voyageait partout en faisant des bruits bizarres.
Il fallait que je
prépare ma salle à manger pour ma fête du soir. Je devais être
très pâle en mettant les apéritifs sur la table, la
« chose » me fit perdre l’équilibre et je cassai une
bouteille. Mes amis allaient arriver d’une minute à l’autre. J’étais
paniqué à l’idée que cette « chose » allait faire
rater ma fête. Quand quelqu’un sonna à la porte, la
« chose » me renversa et me fit tomber en rigolant avec sa
grosse voix. J’avais une peur bleue, je tremblais des pieds à la
tête. J’allai cependant ouvrir la porte à mes amis. La fête se
déroula bien, tout le monde riait, s’amusait. La
« chose » ne se fit pas sentir. Mais, vers minuit, quand
il ne restait plus que Gaston, j ‘entendis un cri dans la salle
à manger. Gaston était allongé sur le sol avec du sang sur la
poitrine. La « chose » l’avait tué et maintenant elle
rigolait de sa grosse voix.
Je n’en pouvais plus, je voulais hurler mais les voisins allaient
se demander ce qui se passait. J’enroulai Gaston dans un drap blanc,
en pleurant. J’avais peur de téléphoner à la police, ils allaient
sûrement me prendre pour un fou. Je passai une nuit affreuse en
entendant la voix de la « chose ».
Le matin, je téléphonai à mon frère Yann, et lui demandai de me
rejoindre au café sur la place devant mon immeuble. Il arriva avec
cinq minutes de retard mais cela ne faisait rien.
-« Salut, c’est affreux » déclarai-je.
Et je lui racontai toute l’histoire depuis le matin du 9 février.
Yann se moqua de moi en me disant que c’était impossible qu’une
sorte de « chose » invisible vive dans mon appartement.
-« Écoute, j’ai bien réfléchi et j’ai décidé de
tendre un piège à cette »chose », dans ma cave,
protestai-je. J’ai lu un livre qui parlait de ces
« choses » invisibles et il paraît que ces
« choses » n’aiment pas la poussière. Je vais la
combattre et ainsi je serai débarrassé de cette
« chose » immonde et j’aurai tué l’assassin de Gas…
-Non, coupa Yann, tu vas te faire tuer, si cette
« chose » existe vraiment comme tu le dis, ce que je ne
crois pas, elle est plus forte que toi et elle va te tuer.
-Je suis décidé, je vais le faire , conclus-je.
Et je partis en direction de mon appartement : la
« chose » y était. Je descendis à la cave, bien décidé
à la tuer. La « chose » me suivit. Quand je fermai la
porte, elle comprit aussitôt qu’elle était tombée dans un piège.
Je pris de la poussière et lui jetai dessus. Mais la
« chose » ne se laissait pas faire. Elle me fit mal à la
jambe. J’étais blanc comme neige et ma jambe était pleine de sang.
La « chose » riait encore, comme d'habitude, mais cette
fois, j'étais dans une situation encore plus désagréable.
Ma jambe saignait, mon plan avait échoué car cette chose était
plus féroce que je ne pensais. Je n'avais pas réussis à tuer cette
« chose »qui me hantait ni à venger Gaston. La
« chose » aurait pu me tuer, mais elle ne l'avait pas
fait. Elle s'était échappée de la cave avec son gros rire grave. Je
sortis de la cave, en me traînant par terre, et me dirigeai dans mon
appartement. Je croisai Yann dans les escaliers. Il hurla quand
il me vit et appela les pompiers. Ils m'emmenèrent à l'hôpital et
mon frère m'accompagna dans le camion.
Ce camion était petit, avec beaucoup de matériel. Il y avait deux
pompiers à l'intérieur qui s'occupaient de moi et un chauffeur. A
l'hôpital, ils ne me croyaient pas non plus. Les infirmières me
disaient que cette chose n'existait pas. Un jour, le 12 mai 1985, ma
jambe fut guérie. Ce même jour, je vis arriver des médecins, mes
parents et mon frère, dans ma chambre. Ils m'annoncèrent que
j'allais dans un asile psychiatrique. Je hurlai, mais des hommes me
sanglèrent sur mon lit et m'emmenèrent dans un camion du SAMU.
L'asile où j'allais était très grand. Il avait des murs tout noirs
avec des barreaux aux fenêtres. Dans les chambres, trônaient un lit
tout petit et un placard. Une chaise toute cassée était dans un coin
de cette chambre toute délabrée. Je pleurais sur mon lit quand un
homme entra dans ma chambre. Il s'appelait David. Il était brun, les
yeux marron, assez grand et il avait une voix aiguë. Je lui dis que
je m'appelais Alex. C'est David qui m'expliqua le fonctionnement de
cet hôpital car le personnel ne faisait rien pour les internés. Ils
apportaient juste les repas et ouvraient les portes pour les visites.
Au début de mon internement, mes parents et mon frère venaient
souvent me voir, mais, petit à petit, ils ne vinrent plus. Pendant
les heures de sortie, je retrouvais David. On était devenu amis. Un
jour, il me demanda pourquoi j'étais ici. Je lui racontai toute mon
histoire, quand j'avais trouvé mon appartement sens dessus dessous
jusqu'à l'affrontement dans la cave.
David n'en revenait pas. Depuis le jour où je lui avais raconté
mon histoire, nous étions encore plus proches. Je commençais même
à reprendre goût à la vie, quand un jour, j'appris que David était
mort.
Aujourd'hui, je suis désespéré, ma vie n'a plus de sens. J'ai
perdu mes deux meilleurs amis, Gaston et David. Ma famille ne vient
plus me voir. Je reste seul dans ma chambre, je ne me nourris presque
plus. Des jours, la chose vient encore me hanter et même un jour,
elle m'a renversé puis a ri de sa grosse voix grave. Je n'en peux
plus.
CLINIQUE
PSYCHIATRIQUE DES MARGUERITES
350, allée des arbres
69500 Bron
M.
Deschamps Jérémy
25, chemin du Stade
69500 Bron
A Bron, le 21 mai 2002
Objet : avis de décès
Cher
monsieur Deschamps,
Bonjour, je suis Pierre Roche, le directeur de la
clinique psychiatrique des Marguerites. J’ai le regret de vous
informer du décès d’Alex Deschamps, votre oncle. Suite à sa
folie, il avait été interné dans ma clinique. Le docteur de ma
clinique, M. Alain Rouge, m’a communiqué les tests qu’il avait
faits avec votre oncle.
Il était paranoïaque. Il avait cette folie même dans notre
clinique. Bien sûr, c’était le fruit de son imagination, mais il n’arrivait
pas à s’en débarrasser. Depuis quelques semaines, il était devenu
maigre. Ses yeux ne s’ouvraient presque plus, il avait perdu le
goût de la vie. Je crois qu’il l’a perdu à cause de la mort d’un
de ses camarades de chambre.
Le docteur m’a toujours dit qu’il aimait bien M.Deschamps,
que c’était un homme très gentil.
Quand il l’a trouvé mort dans sa chambre, il était très
triste. Il l’a vu allongé, les yeux ouverts, les mains crispées
sur une lettre. C’était son testament où il disait que vous étiez
le seul membre de sa famille qui comptait encore pour lui. Il voulait
vous donner le manuscrit, qu’il a écrit pendant ses rares moments
de lucidité, pour que vous soyez mis au courant de ce qui lui
est arrivé. Donc je joins à cette lettre le manuscrit.
Je vous prie d’agréer, monsieur, mes sincères condoléances
ainsi que celles de tout le personnel de ma clinique.
Le directeur de la clinique
des
Marguerites
Dossier DUVAL Alfred
traité
par Damien T
Je suis né le 3 mars 1946 à Pont-de-beauvoisin en Isère, je
m'appelle Alfred Duval. A ma naissance, je mesurais 55 cm, je n'avais
pas beaucoup de cheveux mais les quelques que je possédais étaient
aussi noirs que les plumes d'un corbeau. J'avais des yeux verts. Et
puis j'ai grandi. Le 14 novembre 1948, mon frère Pierre est né, avec
ses yeux marron et de longs cheveux blonds semblables à des brins de
paille. J'avais 2 ans, j'étais très content, j'allais enfin avoir
quelqu'un avec qui m'amuser. En septembre 1949, je suis allé à
l'école pour la première fois. J'étais à l'école maternelle de
mon village. J'avais peur, je ne savais pas pourquoi, mais j'avais
ressenti une angoisse terrible le matin quand ma mère m'avait levé
à 7H30. J'étais plutôt du genre lève-tard. Mon école maternelle
se déroula sans encombre. J'étais débrouillard. En septembre 1951,
je me revois, je suis à l'école primaire du village voisin car
j'avais déménagé peu auparavant. J'ai dû me faire d'autres
copains. mon frère était à la même école que moi, on se voyait
peu : chacun restait de son côté, avec ses propres copains. Quand je
suis rentré au collège ç’a été dur mais je m'en suis bien
sorti. J'avais une assez bonne moyenne. J'ai donc pu rentrer au
lycée, sans problème. Je voulais devenir ingénieur en mécanique
car j'aimais bien les belles voitures. En juin 1963, j'ai passé et
réussi mon bac, ma mère était très contente. Puis en octobre de
cette même année, je suis rentré dans une grande école de
mécanique à Lyon. En juillet 1969, j'avais à 23 ans mon diplôme
d'ingénieur en poche. De septembre 1969 jusqu'en août 1970, j'ai dû
faire mon service militaire à Clermont-Ferrand. J'y ai appris
beaucoup de choses concernant la mécanique. En janvier 1971, j'ai
trouvé un emploi à Paris chez un grand constructeur de voitures.
C'était loin de chez moi, mais je voulais absolument y aller. Le 6
juillet 1978 mon frère se maria, je dus donc retourner dans ma
région. J'étais très content. Pierre portait un joli costume beige
et son épouse une magnifique robe blanche. 2 jours après le mariage
je suis retourné à Paris. J'étais très content de la place
d'ingénieur en mécanique que j'avais. Le 22 janvier 1980, mon neveu
est né. Il s'appelle Maxime. Il avait les yeux bleus comme le ciel et
les cheveux roux.
Le
9 février 1985 au soir, alors que le tonnerre faisait rage dehors,
dans mon petit appartement à Paris, j'avais invité des copains.
Après avoir mangé, je leur demandai de rester dormir chez moi, mais
ils refusèrent, ne voulant pas me déranger. Ils s'en allèrent. Je
fis la vaisselle et allai fermer la fenêtre de ma chambre. En mettant
mon pyjama, je remarquai que la photo de famille prise en vacances,
accrochée au mur, penchait. J'allai la remettre d'aplomb quand ma
mère sur la photo, me parla et me dit que j'avais oublié d'éteindre
la lumière de la cuisine. Je demeurai interdit pendant 5 bonnes
minutes devant la photo, les yeux écarquillés, j'étais paniqué. De
nombreuses questions défilèrent dans ma tête : comment une photo
peut-elle parler ! Etait-ce un phénomène de mon imagination ! ...Mon
teint d'habitude mat devint blême. Mon corps entier était
pétrifié, paralysé par l'événement : je tremblais de tous mes
membres ! La respiration haletante, j'allai vérifier que la lumière
était bien éteinte. Mais en arrivant dans le couloir, je vis la
cuisine éclairée. J'étais frappé de stupeur. La photo de mon
frère, posée sur la table, m'annonça d'une voix grave que la
fenêtre de ma chambre était ouverte. J'éteignis en vitesse la
lumière et me précipitai dans ma chambre à coucher pour finalement
constater que ma fenêtre était fermée. J'avais honte de m'être
laissé avoir par mon frère Basile. J'allais aller me coucher,
toujours épouvanté par ce qui venait de se passer, quand mon frère,
encore lui, sur la photo de famille à côté de la grande armoire, me
dit que la télévision était allumée. Ne voulant pas, une nouvelle
fois, me faire avoir, je me couchai sans croire à ce que venait de me
dire la photo. Je dormis mal, ma respiration était toujours bloquée.
Le lendemain, quand je me réveillai, je fixai la photo. Elle ne parla
pas et était redevenue comme avant. Je me dis que j'avais dû trop
boire la veille avec mes copains. Mais en allant dans le salon, je
découvris que la télévision était bel et bien allumée.
Je décidai d'agir car « le fantôme des photos » pouvait revenir.
Je décidai de raconter l'histoire à mon frère et de lui demander de
l'aide. Je suppliai mon patron de me donner une semaine de vacances en
lui disant que j'avais de graves ennuis. Il accepta sans trop
sourciller, à ma grande surprise. Je repartis en Isère. Arrivé au
domicile de mon frère, je demandai à sa compagne de voir Basile
seul. Elle accepta et nous rentrâmes, moi et mon frère, dans une
petite pièce vide avec seulement deux petites chaises et une table
basse en bois. Je m'installai et racontai mon histoire avec tous les
détails. Basile était épouvanté, angoissé. Il me posa beaucoup de
questions. Je lui annonçai enfin la manière dont je voulais agir.
J'affirmai vouloir brûler toutes les photos lorsque le fantôme
reparaîtrait. Cela ne le tuerait peut-être pas, mais ça
l'empêcherait de se manifester chez moi. Je ne voyais d'autres
solutions. Mon frère voulut me persuader de renoncer à ce projet. «
Alfred, m'ordonna-t-il terrifié, ne fait pas ça, évite les risques
d'incendies. Tu pourrais jeter ces photos à la poubelle ou encore
déménager ou ...
-Si je déménage, le fantôme pourra encore me suivre avec les
photos. Si je les jette, il se retrouvera à la déchetterie...,
murmurai-je d'un air songeur, non, je pense que la meilleure solution,
c'est de brûler ces maudites photos.
-Mais tu risques de brûler ton appartement, réfléchis un peu, me
proposa-t-il inquiet, réfléchis.»
Sur ces mots, je partis, remerciant mon frère qui me souhaita bonne
chance. J'étais toujours décidé à agir selon mon plan. Je revins
à Paris. Lorsque le fantôme reparut, une nuit, je brandis mon
briquet en l'air et brûlai toutes les photos à la suite. J'avais
fini, triomphant, n'entendant plus le fantôme quand d'un coup un
souffle sortit d'une
photo. Le feu se propagea dans tout l'appartement. Je m'enfuis,
laissant tout derrière. Les pompiers arrivèrent peu de temps après
et arrêtèrent l'incendie. Mais il était trop tard, tout était
brûlé. J'étais énervé de ne pas avoir suivi les conseils de mon
frère. J'avais le souffle coupé. J'étais affolé.
Après
l'échec de mon projet, je m'installai chez Basile, mon frère. Je lui
racontai comment mon appartement avait flambé, lui décrivis
précisément le moment après avoir brûlé toutes les photos, je vis
le fantôme, hideux, souffler sur une photo pour propager le feu dans
mon domicile et ainsi, ruiner ma vie. Ce qui me tracassait le plus,
c'était de ne pas savoir si j'avais réussi ou non à le faire
partir. Je voulais rester chez mon frère en attendant de trouver une
maison. Chaque jour, je repensais à ce fantôme dans la chambre, je
le voyais partout, je n'arrêtais pas d'en parler, je cauchemardais à
cause de lui, si bien que je devins fou. Je sentais ma tension monter,
j'étais nerveux, paniqué. Ma respiration se bloquait un peu plus
chaque fois que j'y pensais. Basile, un jour, par surprise, appela
l'hôpital psychiatrique qui vint me chercher le soir , en ambulance.
J'étais tellement nerveux qu'ils durent se mettre à cinq pour me
passer la camisole. Je fus interné le 12 mai 1985. Je dus m'adapter
à cette difficile vie. Je sentais qu'à force de rester avec des gens
qui se prennent pour Bonaparte, la main dans leur chemise et un
chapeau en papier blanc sur la tête, je devenais encore plus nerveux
et plus fou qu'avant. Je reste seul à présent dans mon coin,
toujours avec le regret de mon ancienne vie que j'ai quittée à cause
de ce funeste fantôme. Je subis régulièrement des tests, dans une
cellule aux murs matelassés, que me font passer plusieurs psychiatres
pour étudier mon comportement qui s'aggrave, malheureusement. Je
commence à désespérer à l'idée que je ne retrouverai plus ma
famille, ni même une vie normale.
Mr
Clément Dubet
directeur
clinique psychiatrique
des Lilas
40 route des oliviers
74770 AIX-LES-BAINS
Maxime Duval
3 boulevard de la
Canebière
13001
MARSEILLE
AIX-LES-BAINS le 21/05/02
OBJET:
annonce de décès
Monsieur
Duval,
J'ai
le désagréable honneur de vous annoncer le décès de votre oncle
Alfred à la clinique des Lilas suite à un nouvel accès de folie. Il
avait 56 ans. Il m'a prié de vous joindre un manuscrit, rédigé par
lui-même, qui raconte les étapes de sa vie, en disant que vous
étiez la seule personne qui comptait pour lui. Arrivé au terme de sa
vie, Alfred, ne se maîtrisait plus, sa santé s'aggravait chaque jour
davantage. Il ne mangeait plus rien. Votre oncle refusait de voir du
monde, il restait seul dans un coin de sa chambre. Sa mort nous
attriste tous. Nous étions, le service médical et moi, les seules
personnes à qui il parlait, il nous confiait des secrets, nous
décrivait sa vie...
Alfred
était devenu maigre, sa respiration était bloquée, son teint livide
et son regard marquait l'affolement. Il aurait tant aimé retrouver sa
vie d'avant. Votre oncle va nous manquer à tous.
Veuillez
agréer mes plus sincères condoléances.
CLEMENT
DUBET
Dossier DORINCOURT Alex
traité
par Pauline S
Je me souviens de
la naissance d’Anthony, mon petit frère. Pardon, je ne me suis pas
présenté. Je m’appelle Alex. Aujourd’hui j’ai 55 ans, mais je
vais vous raconter comment j’étais à la naissance. Je suis né le
3 mars 1946, j’étais plutôt petit, mais assez costaud. Mon frère,
lui, est né le 14 novembre 1948. Je me souviendrai toujours du moment
où mon père l’a déposé sur mes genoux. Il faut que je vous dise
qu’en grandissant, je ressemble de plus en plus à mon père. Il
était grand, assez costaud avec des cheveux noirs comme l’ébène
qui faisaient ressortir ses yeux verts. Mon frère ressemble plus à
ma mère. Petit, pas trop quand même, maigre avec des cheveux si
blonds qu’on les aurait dit presque blancs et des yeux bleu azur. Je
fis mes premiers pas à un an, mon frère aussi. Je dis mon premier
mot au même âge. Mon frère, lui, dit son premier mot plus tard.
Mais passons… Je fis ma rentrée à la maternelle en 1949. J’ai
été un élève calme et placide. J’ai eu mon premier ami à cette
époque. Il s’appelait Grégory et c’est resté mon meilleur ami,
jusqu’à sa mort, il y a deux ans. Il avait l’air rebelle
avec ses longs cheveux châtains et ses yeux verts. En 1951, en
primaire, mes résultats ont baissé. En 1956, au collège, je me suis
mis sérieusement au travail, et je finis dans les cinq premiers
élèves de ma classe. En sixième, les relations avec mon frère
changèrent. Nos goûts aussi. Il aimait la techno, le funk, les
hamburgers, les pizzas. Moi, je préférais la variété italienne,
les pâtes, le jambon et le poisson. Nous nous sommes bagarrés
plusieurs fois et pour des bêtises. Une fois, j’ai eu la lèvre
fendue, une autre fois, lui avait un œil au beurre noir. Enfin !
En sixième, j’ai rencontré Manuella. Ses cheveux étaient blonds
et longs et ses yeux noisette. Elle a accepté de sortir avec moi en
cinquième. Je connus mon premier baiser avec elle. Puis nous avons
rompu au lycée. En terminale, j’ai rencontré Maéva. Je l’aimais
tellement, que pour ses 16 ans, j’avais décidé, de l’emmener
dans mon endroit préféré : la Fontaine d’été. Les statues
sont lisses et l’eau claire et potable. En 1963, je réussis mon bac
avec mention. Je m’inscrivis dans une école d’ingénieur. C’est
à ce moment que je perdis de vue Maéva. Elle m’écrivit pour me
dire qu’elle avait rencontré quelqu’un de son âge (j’avais
deux ans de plus). En juillet 1969, je reçus mon diplôme d’ingénieur,
mais deux mois plus tard, je partis faire mon service militaire. Quand
je fus de retour, je partis à la recherche d’un emploi. Je finis
par trouver un poste de magasinier, puis enfin d’ingénieur. En
1978, je reçus une lettre d’Anthony. Il m’invitait à son
mariage. J’eus la surprise de ma vie : il épousait Maéva.
Maéva me reconnut, nous discutâmes un peu puis je partis.
Plus tard, j’appris que Maéva et Anthony avaient eu un fils nommé
Marius.
Le jour du baptême
de Marius, je revis Maéva et Anthony. Cinq ans plus tard, Maéva me
téléphona pour me demander si j’acceptais d’occuper leur maison
de campagne pendant quelques jours. J’acceptai. Anthony m’accueillit
le jour prévu. Il me fit visiter la maison en me disant d’éviter
de descendre à la cave. Le lendemain, nous étions le 9 février, un
bruit étrange me réveilla. On aurait dit que quelqu’un faisait une
fête à la cave. Je m’y rendis donc. Au moment où j’ouvris la
porte, le bruit cessa. Je me retournai et je crus apercevoir un
diable. Je m’installai devant la télévision. Je fus comme
hypnotisé par une publicité qui parlait d’un nouveau magasin. Je
me rendis immédiatement à ce magasin. J’avais l’impression que
ce n’était pas moi qui agissais. J’arrivai et un homme au costume
rayé m’accueillit. Il me tendit une feuille et je la lus. Le
magasin proposait amour, richesse et pouvoir gratuitement. Je signai
la feuille et repartis chez moi. Le lendemain, j’appris que Maéva
était morte. Après le coup de fil d’Anthony, on frappa à la
porte. C’était Maéva. J’appelai Anthony et lui dit que Maéva
était avec moi. Il me dit que c’était impossible puisque Maéva se
trouvait à côté de lui, morte, allongée sur le lit. Après avoir
raccroché, je reçus un appel. La voix était rauque, grave et elle
me dit : « Je t’ai donné l’amour, il ne reste que la
richesse et le pouvoir ». Je raccrochai et regardai Maéva. Son
visage était blême, pâle. Son corps était maigre. Le soir, je
montai me coucher dans la chambre et Maéva resta sur le canapé. Le
lendemain, aux informations, j’appris que « La Banque
Principale » avait été cambriolée. A midi, en ouvrant le
placard, une flopée de billets de banque me tomba dessus. Au milieu
se trouvait une lettre : « Je t’ai donné amour,
richesse. Il ne reste que le pouvoir ». Au dos de la lettre
était inscrit « Banque Principale ». J’écarquillai
les yeux puis courus me réfugier à la cave. Une ombre entourée de
flammes s’y trouvait déjà. Je crus reconnaître un diable. Mais c’était
impossible. Le diable me dit : « L’argent que j’ai
volé pour toi te plaît ? » Je sortis en courant et
appelai la police. Quand elle arriva, je la conduisis à la cave. Le
diable avait disparu. Je n’y comprenais plus rien. La police m’arrêta
puisqu’on avait trouvé l’argent chez moi. En prison, je reçus
une lettre. Il était écrit : « Maintenant, que tu n’as
plus confiance en moi, je ne peux plus t’apporter le
pouvoir ».
Quelques jours plus
tard, quelqu’un paya ma caution et je fus libéré de prison.
Bizarrement, j’étais sûr que c’était le diable. Je sortis de
prison et me rendis à la maison de campagne d’Anthony. Quand j’arrivai,
Anthony m’y attendait. Nous sommes entrés dans la maison et je vis
Maéva. Anthony commença à hurler :
« Mais qu’est-ce
qui t’a pris de cambrioler cette banque ?
-Mais ce n’était
pas moi, protestai-je.
-Pourquoi m’as-tu
dit que Maéva était vivante ? Elle est morte, on l’a enterrée
hier. » dit-il en étouffant un sanglot. Maéva se tenait à
côté de lui, je compris qu’il ne la voyait pas. Je montai dans la
chambre d’amis et pris un gros volume sur la bibliothèque. Je finis
par trouver ce que je cherchais. Je descendis et commençai à lire le
paragraphe qui m’intéressait : « Dans la mythologie, les
gens pensaient obtenir AMOUR, RICHESSE, SAVOIR et POUVOIR en signant
un pacte avec le diable. Mais il fallait en échange de ce pacte,
donner petit à petit sa vie pour renforcer le pouvoir du
diable. » Anthony
me regarda et me demanda :
« Quand
vas-tu m’expliquer ?
-Je ne peux rien te
dire, tu ne me croirais pas. Même moi, j’ai du mal à y croire.
-Je te promets de
faire un effort, je veux juste comprendre. »
Je lui résumai les
derniers évènements et à la façon dont il me regardait, je crus qu’il
me prenait pour un fou.
« Il faut que
je retrouve cette agence, continuai-je, et je tuerai cet homme au
costume rayé.
-Mais tu es fou, tu
veux retourner en prison ? rugit mon frère.
-Je veux tuer celui
qui m’a fait du mal et celui qui t ‘en a fait en tuant Maéva.
-Laisse faire la
justice, je ne veux pas que tu passes ta vie en prison. »
Je sortis en
courant, pris la voiture et partis à la recherche de cette agence.
Anthony me suivait.
J’arrivai à l’agence, et entrai. L’homme au costume rayé
était là. Sous mes yeux ébahis, il se métamorphosa. Il devint
écarlate, des cornes firent leur apparition, le costume rayé
disparut. A la place, il y avait une sorte de couche. Il me
dit : « Sache que les diables sont immortels. Sache
que cette pensée meurtrière que tu as eue sera la cause de tes
cauchemars. Je te hanterai jour et nuit. » Il termina sa phrase
dans un rire glacial. Des flammes jaillirent autour de lui. Je sortis
en courant. Quand je vis Anthony, je compris qu’il ne voyait pas l’agence.
J’avais l’impression qu’il me prenait pour un fou. Je repartis
chez moi. Cette nuit là, je fis des cauchemars atroces. Au déjeuner,
je faillis passer par-dessus le balcon. Plusieurs autres évènements
se produisirent. Je faillis recevoir le poste de télévision sur la
tête, un feu se déclara dans la corbeille à papier… A chaque
fois, je sentais que le diable y était pour quelque chose. Un matin,
je reçus un coup de téléphone d’Anthony. Il m’avait pris un
rendez-vous avec un psychiatre pour
le 11 mai 1985.
Le rendez-vous chez
le psychiatre se passa mal. Il me demanda de raconter ma vie, ce que
je fis. Mais au moment où je racontai le passage avec le diable, je
compris qu’il ne me croyait pas. Il trouvait une excuse à chaque
événement.
Il me dit même que
j’avais eu une perte de mémoire momentanée, ce qui expliquait,
selon lui, le fait que je ne me souvenais pas d’avoir cambriolé la
banque. Il me prenait pour un fou et il demanda à mon frère l’autorisation
de m’interner. Il accepta. Je ne lui en veux pas. Moi-même, je
pensai être en sécurité à l’hôpital. Le diable ne viendrait pas
ici. On me conduisit à ma chambre. Je poussai un cri en la voyant. Il y avait des barreaux aux
fenêtres, les murs étaient très blancs, faisant contraste avec des
stores noirs. Aucun téléphone, aucun moyen de communiquer avec l’extérieur.
J’avais droit à une visite, de 15h à 17h, par jour. Le soir, je
fermai les stores, me couchai. J’eus toutes les peines du monde à m’endormir.
Cette nuit-là, je fis un cauchemar. J’étais dans un long couloir
noir quand des flammes jaillirent autour de moi. La chaleur montait. J’aperçus
une ombre dans un coin. Je m’approchai et je vis le diable. Il me
fit un sourire démoniaque qui montait jusqu’aux oreilles. Puis il
se mit à rire très fort. Je partis, en courant, en sens inverse. J’étais
affolé, le couloir n’en finissait plus. Soudain, le diable revint
devant moi et, à cet instant,
je me réveillai en sursaut. Je m’assis sur le lit et je
réfléchis. Le diable pouvait-il me retrouver ici ? Le
lendemain, une infirmière vint m’apporter mes médicaments. Elle
était plutôt jolie. Elle était assez grande, ses longs cheveux
blonds pendaient sur ses épaules. Je regardai ses yeux noisette quand
je la reconnus. C’était Manuella. Elle me reconnut également. Nous
discutâmes un moment. Je compris qu’elle ne me prenait pas pour un
fou, contrairement aux autres. Je pris mes comprimés pour lui faire
plaisir. Mais une fois, qu’elle fut repartie, je recrachai mes
médicaments dans la poubelle. A midi, une autre infirmière vint m’apporter
le déjeuner. Soudain, elle se métamorphosa en DIABLE ! Je
bondis hors du lit. Il me dit qu’il allait cesser de me hanter
lorsque j’aurais payé mes dettes. Je ne comprenais pas. Il m’expliqua : « Tu
as signé un contrat avec moi. Certes, tu n’as pas beaucoup profité
de ses avantages. Mais maintenant, tu dois me donner ta vie.
Rassure-toi, tu seras prévenu 24 heures avant ta mort. » Il
disparut dans un nuage de fumée. Je perdis goût à la vie. Je ne
mangeais presque plus. J’avais peur que le diable revienne. Mon
cauchemar revenait chaque nuit. Je me sentais responsable de la mort
de Maéva. Heureusement, mon frère avait encore son fils. Ils
venaient me voir souvent. Je voyais Marius grandir. Il ressemblait de
plus en plus à sa mère. Finalement, je finis par m’habituer à ma
nouvelle vie. Manuella venait me voir le matin, Anthony et Marius, l’après-midi.
J’étais presque heureux. Mais le 22 juin 2001, je reçus une
lettre, le matin. Je reconnus l’écriture. C’était celle du
diable. Il m’annonçait ma mort. Je fis mes adieux à Manuella,
Anthony et Marius. A leur départ, je me mis à pleurer. Je regardai
le plafond. Je revis ma vie. Puis, je m’endormis avec un sourire. Je
voulais garder uniquement les bons souvenirs et oublier mes erreurs.
Je voulais mourir sans regrets.
Clinique
psychiatrique St Gervais
23,avenue
de la République
38300
Bourgoin-Jallieu
M.
Dorincourt Marius
30,rue des Peupliers
38110 La Tour du Pin
le 26 juin 2002
Objet : annonce du décès de votre
oncle
Cher Monsieur,
J’ai le regret de vous annoncer le décès de votre
oncle, M. Dorincourt Alex. Il est décédé, il y a trois jours dans
la clinique psychiatrique dont je suis le directeur.
Il y avait été interné le 11 mai 1985 pour cause d’hallucinations.
Voici un exemple des raisons pour lesquelles je l’ai interné :
comme vous le savez sûrement, il a cambriolé la « Banque
Principale ». Il a prétendu avoir vu un diable dans sa cave et
ce même diable lui aurait dit que c’était lui qui avait cambriolé
la banque pour votre oncle.
Lors de son premier rendez-vous avec son
psychothérapeute, il a raconté avoir signé un pacte avec le diable.
D’après son psychothérapeute, il était très
calme, mais il faisait des cauchemars toutes les nuits. Un jour, il
parut affolé et raconta que Lucifer, en personne, était venu le voir
pour lui annoncer sa mort prochaine.
D’après l’infirmière, depuis ce jour, et pendant
un certain temps, votre oncle aurait arrêté de se nourrir. Il était
devenu très pâle et maigre. Il était très anxieux, toujours sur la
défensive et renfermé.
L’infirmière l’a retrouvé mort, allongé sur le
lit. Il était d’une blancheur rare et extrême. D’après elle,
votre oncle serait mort de peur. Cette hypothèse est fausse. En
effet, la femme de ménage a retrouvé les médicaments de votre oncle
dans la poubelle. Nous
pensons que c’est le fait que votre oncle n’ait pas pris ses
calmants qui a entraîné
son décès.
Je joins à ma lettre un manuscrit de votre oncle. Il
avait précisé à l’infirmière qu’il devait vous être donné,
à vous, car, selon votre oncle, vous êtes la seule personne en qui
il ait encore réellement confiance.
Avec mes sincères et respectueuses condoléances.
Monsieur Fabiomar
Directeur de la clinique St Gervais
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